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BY-NC-ND 3.0 license Open Access Published by De Gruyter 2018

Pouvoir du jeu de mots: dominer par la parole en contexte d’inégalité sociale

From the book Jeux de mots, textes et contextes

  • Karine Abiven

Résumé

Le jeu de mots, ici classiquement défini comme l’exploitation d’un double sens, est étudié dans son usage en répartie, au sein d’interactions inégalitaires dans la société de cour française (XVIIe-XVIIIe siècles). À partir d’un corpus issu de traités sur la cour, de recueils de formes brèves et de mémoires, il s’agit de montrer le rôle de régulateur social du jeu de mots : dans une société d’ordres où les hiérarchies rendent les rapports de places plus ou moins fixes, mais où l’esprit est crédité d’une forte plus-value sociale, le jeu de mots permet de sauver la face, même quand le locuteur est en situation prédiscursive d’infériorité. En adoptant une perspective pragmatique, il s’agit d’examiner comment ce type d’usage du jeu de mots, culturellement assimilé à ce qu’on appelle alors le bon mot, constitue une arme de défense ou de domination : il sert en effet à faire passer des contenus implicites par l’usage des figures (antithèse, analogie) et le détour métalinguistique. Le jeu de mots permet ainsi d’égaliser temporairement les positions relatives de pouvoir, tout en maintenant les formes de la bienséance : absence d’agressivité et de grossièreté, et souci de la véridiction. Ambigüe, la répartie est difficile à réfuter ; surprenante, elle désarme les potentielles répliques. La fréquence des réparties spirituelles entre inégaux à l’époque permet, non pas de spéculer sur une quelconque efficacité concrète des jeux de langage dans la mobilité sociale des sujets, mais de scruter l’imaginaire linguistique des formes de la domination, et les moyens de les contourner.

© 2018 Walter de Gruyter GmbH, Berlin/Munich/Boston
Downloaded on 22.3.2023 from https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/9783110586459-006/html
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